Partons d’un principe scientifique : les lois de l’apprentissage sont les mêmes chez tous les mammifères.
Même si cela peut choquer certains d’entre vous, l’humain apprend comme le chien et le chien apprend comme l’Homme. Le sujet de cet article n’est pas d’expliquer les différents conditionnements et les méthodes d’apprentissage. Mon objectif est ici de vous éclairer sur les bienfaits de l’apprentissage chez le chien à devenir capable de gérer sa frustration et d’acquérir de l’autocontrôle.
Vous entrez dans la boulangerie, il est 18h30 et la vue des pâtisseries vous donnent soudainement l’eau à la bouche. Vous êtes une personne raisonnable et comme vous avez un dîner entre amis ce soir, vous savez que vous ne devez pas craquer. Vous demandez juste une baguette à la vendeuse et vous quittez cet endroit de tentations calmement. Dans la file des clients derrière vous, il y avait aussi un petit garçon avec sa maman. Appelons-le Tom. Tom a eu la même envie que vous à la vue des tartelettes à la fraise garnies de chantilly. La différence c’est que lui, il compte bien l’avoir sa tartelette à la fraise. Il n’en a rien à faire de dîner dans une heure. Ce petit garçon veut manger de la chantilly maintenant. Sa mère ayant rejeté sa première demande, Tom va commencer à s’énerver. Il est motivé par ces fraises recouvertes de chantilly, il est très motivé. Tom va se mettre à insister, à sautiller, à tirer sur le bras de sa mère, à crier et finira en larmes après s’être, pourquoi pas, roulé par terre.
Vous êtes en train de terminer tranquillement une balade avec votre chien dans les bois. Soudain, au loin, votre chien et vous apercevez des congénères. Vous n’avez pas le temps pour cette rencontre, il est l’heure de rentrer. Votre chien a lui très envie d’interagir avec ces congénères visuellement amicaux, d’autant qu’il n’est en rien préoccupé par vos contingences d’humains.
Un chien qui sait son gérer sa frustration et faire preuve d’autocontrôle est un chien qui reviendra vers vous quand vous lui demanderez.
Pourquoi cela ?
– parce que vous serez plus motivant que des congénères inconnus. C’est possible, ça demande beaucoup de travail et l’instauration quotidienne d’une relation basée sur la confiance et le respect.
– parce que votre chien aura déjà réussi cette expérience avec un niveau de distractions progressif et au moins équivalent à la situation qu’il est en train de vivre.
– parce que votre chien aura de lui-même su prendre « la bonne décision » en acceptant votre demande.
Un chien qui ne sait pas son gérer sa frustration, ni faire preuve d’autocontrôle, est un chien qui filera vers les congénères s’il est en libre ou qui tirera de toutes ses forces s’il est en laisse. J’en profite pour apporter une précision sur les conséquences de la répétition de cette dernière éventualité. A chaque fois que votre chien voit des congénères, la laisse le retient. Ceci constitue une grosse source de frustration ! C’est comme amener Tom et le poser devant les tartelettes aux fraises et à la chantilly tous les jours et lui refuser aussi souvent… Tom sera difficilement calme en entrant dans la boulangerie et votre chien sera difficilement calme en apercevant d’autres chiens. Plus un chien, comme un humain, est frustré de quelque chose, plus ce quelque chose est précieux à ses yeux puisque c’est rare. Aussi, quand un humain ou un chien obtient ce qui est rare, ça se passe rarement dans le calme. Une barre de chocolat mangée quand on fait un régime est source d’excitation, elle est savourée et très appréciée. Une barre de chocolat pour quelqu’un qui en mange 3 kilos par jour est juste une barre parmi d’autres.
Encore un exemple ? Le feu passe au vert. Vous passez la première et vous avez à peine le temps d’accélérer qu’une voiture vous coupe la route et manque de peu de vous emboutir. Vous fulminez, vous avez envie d’expliquer à ce chauffard votre colère d’avoir si peu de respect pour le code de la route et pour la vie d’autrui. Avoir de l’autocontrôle, c’est ne pas laisser sa colère aller plus loin. Vous continuez à l’insultez en repensant à la scène mais vous avez continué votre chemin. Ne pas avoir d’autocontrôle pourrait se traduire par donner un coup de volant, à rattraper le chauffard, lui faire une queue de poisson pour le contraindre à se garer et lui mettre votre poing sur son visage au final. Si chaque incivilité routière se terminait ainsi les urgences et les commissariats ne pourraient plus suivre…
Revenons à la fin de la balade dans les bois quand notre chien aperçoit des congénères au loin. Soit il sait gérer sa frustration, il a acquis de l’autocontrôle et revient vers son humain, soit il file ou il tire comme un fou sur la laisse et son humain a encore du travail !
L’acquisition de la gestion de la frustration et de l’autocontrôle chez un chien sont des clefs indispensables à son bien être émotionnel et à celui de son humain. Le chien est capable de faire ou de ne pas faire si l’humain prend la peine de lui apprendre en amont. Si on attend que le chien grogne sur son congénère quand il est en laisse, et ce quelle qu’en soit la raison, on a attendu que le chien atteigne ce qu’on appelle le seuil de déclenchement. Dire « Non », crier ou taper le chien ne résoudra pas le problème, cela l’amplifiera à terme au contraire. J’entends déjà certains dire « et bien le mien, quand je dis « non » il s’arrête ! » ; vous le savez, l’obéissance par la contrainte émotionnelle n’est pas mon choix ni ma philosophie. Au-delà d’un travail de contre-conditionnement et de désensibilisation graduelle à mettre en place, il faudra apprendre en parallèle au chien à attendre calmement au quotidien, à accepter de produire un comportement différent de celui qu’il aurait spontanément proposé. Comment ? Demander un assis avant de franchir une porte, faire attendre quelques secondes le chien devant sa gamelle, apprendre à un chien à s’assoir devant le canapé et attendre la permission de l’humain pour y monter et à y descendre quand l’humain lui demande, à aller sur son dodo sans que cela soit une punition même négative …soyez créatif !
L’objectif est d’apprendre au chien à ne pas obtenir, ou attendre, avec son accord. La méthode positive demande de la compétence, du temps, de la patience, de la sérénité et de la répétition. A mon sens, tous les chiens en valent la peine !
Si un enfant obtient tout ce qu’il veut depuis des années, le jour où quelqu’un lui refusera son envie, cet enfant explosera de colère… pour la simple et bonne raison qu’il aura pris l’habitude de toujours obtenir. De la même façon, un chien qui n’a pas fait l’apprentissage de croiser calmement ses congénères en laisse ne sera pas capable de le faire, surtout si la proximité est trop forte et si le chien s’est renforcé dans un comportement d’excitation.
Respecter son chien, c’est prendre le temps de lui permettre d’apprendre les bons comportements !
Nathalie CARPENTIER-LAUVERJAT, Diplômée d’Etat, Coach en éducation canine positive et comportements canins – SAS TRUFFINADE