C’est avec une sincère bienveillance que j’ai rédigé cet article…
– « On peut faire des balades en libre, et notre chien revient !!!
– « Plus besoin de lui courir après ni d’anticiper son agressivité face à d’autres chiens. On appuie sur le bouton, et ça marche.»
Petits extraits recueillis à l’occasion de différentes rencontres avec des humains baladant leurs chiens…
– « […] et ça marche. » répètent ses utilisateurs tellement satisfaits.
Si le collier électrique fonctionne, pourquoi moi, éducateur canin en méthode positive, suis-je opposée à son utilisation ? Qu’est-ce qui me pousse à expliquer à mes clients les raisons de ne pas l’utiliser alors que cela semble si efficace, pratique et rapide ?
Réponse A : …pour passer plus de temps avec mes clients ???
Réponse B : …parce que je suis une utopiste ???
Réponse C : …parce qu’obtenir, sans contrainte physique ni émotionnelle, le bon comportement du chien de mon client demande du temps, de la pédagogie et de la compétence à transmettre à ce dernier ???
Imaginez la scène ! Vous vous baladez tranquillement avec votre chien, en libre comme d’habitude. Tout à coup, votre chien suit frénétiquement une odeur jusqu’à disparaître et ne revient que plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines d’interminables minutes, après. L’attente est trop éprouvante pour vous, la route est proche, vos appels sont vains… et c’est à ce moment précis que le chien reçoit une décharge électrique.
Certains chiens, notamment de chasse, ont été créés et sélectionnés, depuis des dizaines et des dizaines d’années, pour suivre une piste sans décrocher de leur objectif quoiqu’il puisse leur arriver. La décharge électrique vient alors, via une douleur physique, contrer l’instinct du chien.
Le chien apprend, notamment, par association. Dans ce cas, ce chien fera l’association entre une douleur électrique et le fait de devoir revenir au plus vite vers son humain pour que la douleur ne revienne pas.
Dans la tête du chien : « retour vers l’humain = douleur ». Si en plus, l’humain manifeste son mécontentement au chien d’avoir mis autant de temps pour revenir : « retour vers l’humain = douleur + réprimandes ».
Le risque est de dégrader la relation entre l’humain et le chien. Le chien sera de plus en plus démotivé à revenir vers son humain et à lui obéir en général. En outre, la décharge électrique ne fait qu’aller à l’encontre de l’instinct du chien et de ses besoins fondamentaux.
Assurer la sécurité de son chien, c’est travailler le suivi naturel et le travail du rappel dans le respect des 3D (Durée – Distances – Distractions). C’est aussi balader son chien en libre dans des lieux adaptés à son instinct, à son besoin d’espace et le balader en longe dans des endroits plus restreints.
Imaginez une autre scène ! Vous vous baladez tranquillement avec votre chien, en libre comme d’habitude. Vous savez que votre chien est un peu réactif mais vous êtes tranquillisé parce qu’il porte un collier électrique. A l’angle, arrive un peu vite un autre chien, un peu jeune, un peu fou, ou juste un peu trop excité au goût du vôtre. Votre chien va ressentir de plus en plus fort du stress juste en voyant ce chien qui arrive d’un coup, par surprise, dans son champ de vision et qui s’approche. Sans même parler de votre propre stress face à ce type de situation qui influencera forcément le comportement de votre chien, ce dernier risque de s’exciter à proximité de ce congénère, au point de perdre le contrôle et sous le stress, des coups de dents peuvent partir… et c’est à ce moment précis qu’il reçoit une décharge électrique.
Le chien apprend, notamment, par association. Dans ce cas, ce chien fera l’association entre une forte excitation et un congénère. Il fera également l’association entre une forte douleur et un congénère.
Dans la tête du chien : « congénère = excitation + douleur ».
Le risque est, qu’au fur et à mesure de ces rencontres traumatisantes, avec un ou plusieurs congénères, ce chien va prend l’habitude de se battre. Un chien réactif voit son stress augmenté parce qu’il est mis en relation avec un stimulus, ici un congénère. La décharge électrique envoyée ne fera qu’apporter du stress supplémentaire et de la douleur physique à un chien qui vit déjà une situation difficile à gérer pour lui.
– « Je n’ai jamais beaucoup envoyé la décharge, là c’est juste la sonnerie, il sait très bien qu’il doit s’arrêter, sinon… »
Au risque de me répéter, le chien apprend, notamment, par association. Un chien qui entend une sonnerie avant de prendre une décharge électrique au collier fait très vite l’association entre la sonnerie et la décharge qui risque d’arriver à nouveau par la suite.
Dans la tête du chien : « sonnerie = probable douleur ».
Pour résumer, la décharge électrique, comme la sonnerie, ne font qu’augmenter le niveau de stress d’un chien déjà mal à l’aise par la vue ou la proximité d’un congénère.
A ce stade, un chien peut réagir de deux façons. Le chien va prendre peur sans comprendre ce qu’il se passe et il s’éloignera des autres chiens, c’est ce qu’on appelle la fuite ; la rencontre avec d’autres chiens est un besoin fondamental qui ne sera alors plus satisfait. Le chien peut aussi se renforcer dans un comportement agressif face à des congénères. Il risque de systématiser cette attitude à chaque fois, notamment si son humain, par peur de ne pas savoir comment gérer l’éventuelle situation problématique, fait à nouveau fonctionner le collier électrique.
Assurer la sécurité de son chien, et celle de ceux qu’il va rencontrer, c’est faire porter une muselière à son chien avec un apprentissage en positif. Tous risques de blessures est éviter et l’humain peut se détendre. L’anticipation de l’environnement et l’apprentissage du rappel sont également nécessaires. Enfin, désensibiliser graduellement son chien à ses peurs est encore le meilleur moyen de vivre des balades plus sereines, pour l’humain comme pour le chien.
Je n’omettrai pas de souligner que la rééducation canine est plus longue à mettre en place si le chien est renforcé dans un comportement gênant et qu’il est avancé en âge.
La méthode positive repose sur l’accord du chien et le respect de son bien-être émotionnel ; en d’autres termes, si un chien obéit par peur de ressentir une décharge électrique dans la gorge, on ne peut pas parler de méthode positive quand bien même le chien reçoit de temps en temps des friandises. Sans vouloir entrer dans les détails, on parlerait alors de méthode naturelle.
Le but de cet article n’est pas de juger ni de stigmatiser les humains qui font porter à leur chien un collier électrique. Mon objectif est d’expliquer en quoi le collier électrique est nocif, dangereux et contre-productif. Même si le chien en est équipé, ce n’est pas ce collier qui va changer positivement son comportement face à son instinct ou à ce qui le stress. Par contre, c’est bien ce collier qui risque de renforcer des comportements gênants, de créer de nouvelles peurs et de dégrader sa relation avec son humain. Je pourrais ici évoquer les conséquences du mal-être émotionnel chez le chien et de ce qu’on appelle « la détresse acquise ». Néanmoins, ce n’est pas le sujet de cet article. N’hésitez pas à me faire part des sujets qui vous tiennent à cœur et que vous aimeriez que je développe.
La plupart du temps, les humains concernés se sentent mal à l’aise, comme pointés du doigt et répondent qu’ils connaissent leur chien mieux que personne. Je travaille et je guide les humains qui me font confiance dans la bienveillance et dans le respect. Un particulier propriétaire de chien a le droit à l’erreur car, par définition, il n’est pas un professionnel du chien. Aimer son chien, c’est aussi le respecter, l’aider et répondre aux mieux à ses besoins. C’est aussi se faire aider par un éducateur canin compétent respectueux de la méthode positive.
Apprendre à comprendre son chien et le respecter, c’est l’aimer…
Nathalie CARPENTIER-LAUVERJAT, Diplômée d’Etat, Coach en éducation canine positive et comportements canins – SAS TRUFFINADE